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Les conditions de licéité du contrôle de l’activité des salariés grâce au dispositif du client mystère

Par un arrêt publié au Bulletin en date du 6 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision relative à la licéité de la preuve rapportée par l’employeur dans le cadre de la démonstration du bien-fondé d’un licenciement disciplinaire.

En l’espèce, le salarié, embauché en qualité d’employé de restauration libre-service, a été licencié pour avoir manqué à son obligation professionnelle d’éditer et de remettre à un client son ticket de caisse, étant précisé que ledit employé avait déjà fait l’objet par le passé de plusieurs sanctions disciplinaires en raison de son refus de suivre les procédures applicables au sein de l’entreprise, notamment en matière d’encaissement.

Ce nouveau manquement du salarié avait été constaté par un client mystère, dispositif de contrôle du travail des salariés auquel l’employeur avait recours par le truchement d’une société mandatée à cet effet.

Ce salarié a saisi le Conseil de prud’hommes en soutenant principalement que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse car la preuve des faits qui lui étaient reprochés était illicite en application de l’article L.1222-3 du Code du travail.

Pour mémoire, l’alinéa 1 de ce texte dispose que « le salarié doit être expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle mises en œuvre à son égard ».

Au cas particulier, l’employeur justifiait :

  • D’une part, du respect de ce texte en versant aux débats le compte-rendu de réunion du comité d’entreprise et la note d’information des salariés afférents au dispositif des clients mystères permettant de contrôler l’activité des employés ;
  • D’autre part, de la matérialité des faits fautifs en produisant la fiche d’intervention de la société mandatée par lui pour effectuer des contrôles en tant que « client mystère », attestant de la violation par le salarié des procédures d’encaissement en vigueur dans l’entreprise.

La Cour d’appel a, sur ces considérations, jugé le licenciement justifié.

La Haute Juridiction a confirmé que ce licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse : dès lors que le salarié avait été, conformément aux dispositions de l’article L. 1222-3 du Code du travail, préalablement et expressément informé de cette méthode d’évaluation professionnelle mise en œuvre à son égard par l’employeur, ce dernier pouvait en utiliser les résultats au soutien d’une procédure disciplinaire.

En revanche, à défaut de respecter cette information préalable, comme l’illustre un récent arrêt de la Cour de cassation rendu au cas particulier d’un dispositif de vidéosurveillance (Cass.soc, 4 octobre 2023, n°22-18105), la preuve rapportée par l’employeur sera jugée illicite et, partant, irrecevable.

A noter qu’au cas d’espèce, le système de vidéosurveillance utilisé par l’employeur n’avait pas été déclaré auprès de la CNIL comme permettant de surveiller le personnel et de contrôler ses horaires de travail.

S’agissant d’un dispositif de client mystère, il importe de préciser que l’employeur devra également s’interroger, avant toute mise en œuvre, sur la proportionnalité du contrôle exercé sur le salarié.

En effet, au-delà du respect du règlement général sur la protection des données personnelles, le Code du travail exige également que les restrictions apportées par l’employeur aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Aussi, tout mode de surveillance n’est pas admis dans n’importe quelle circonstance.

En pratique et par exemple, l’instauration de contrôles « surprise » alors que le salarié exerce ses fonctions sous la supervision potentiellement permanente d’un supérieur hiérarchique ne nous parait pas satisfaire à ces conditions de proportionnalité.

L’employeur prendrait alors le risque que ce mode de preuve soit qualifié de « stratagème » et jugé irrecevable.

La mise en place d’un dispositif de contrôle des salariés nécessite en conséquence une analyse préalable afin de s’assurer que les éléments de preuve collectés puissent être utilisés par l’employeur.

Article rédigé par notre Département Droit Social