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Revirement de jurisprudence relatif aux BSA en cas de requalification en avantage salarial : une restriction supplémentaire

Par un arrêt en date du 28 septembre 2023, la Cour de cassation (Cass. 2ème civ., 28 septembre 2023 – n°21-20.685) a procédé à un revirement de jurisprudence concernant le fait générateur permettant d’évaluer « l’avantage » d’un titulaire de bons de souscription d’actions (« BSA ») lorsque lesdits BSA doivent être requalifiés en « avantage » et traités socialement comme tels.

Lors de son célèbre arrêt Barrière du 4 avril 2019, la même chambre de la Cour de cassation avait dans un premier temps jugé que (i) le fait générateur des cotisations sociales afférentes aux BSA, en cas de requalification en avantage, était la date à laquelle le salarié bénéficiaire des BSA avait eu la libre disposition, et (ii) l’avantage devait être évalué selon la valeur des BSA à cette date ci.

Par ce nouvel arrêt, la Cour de cassation revient sur cette solution. Elle considère désormais que le fait générateur des cotisations sociales relatives à des BSA, qualifiés comme un avantage, correspond à la date de cession ou de réalisation des BSA, de sorte que l’avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l’économie réalisée.

Pour parvenir à une telle solution, la Cour de cassation pose de façon pédagogique les différentes phases de son raisonnement :

(i) Elle reprend dans un premier temps l’article L. 242-1, alinéa 1er du code de la sécurité sociale en exposant que des BSA attribués par une société à des bénéficiaires peuvent constituer en réalité un « avantage », entrant alors dans l’assiette des cotisations sociales dès lors qu’ils sont attribués à des travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail acquis par ceux-ci à des « conditions préférentielles » ;

(ii) Elle précise ensuite ce qu’il convient d’entendre par « conditions préférentielles » : qui résultent de la qualité de salariés / mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité ainsi que des conditions d’émission et de cessibilité des bons, dont les conditions financières n’en constituent qu’un simple indice ;

(iii) Elle prend alors le soin d’exposer sa jurisprudence de 2019 tout en explicitant les difficultés y afférentes :
– la détermination de la « date de libre disposition » des BSA et d’évaluation de ceux-ci est délicate dès lors que l’exercice ou la cession des BSA s’opère souvent sur une période et non à une date fixe ;
– la méthode d’évaluation des BSA est rendue délicate ;
– cette solution conduit à soumettre à cotisations un avantage « théorique » et non « réel ».

(iv) Elle pose ensuite le nouveau principe énoncé ci-dessus et précise que pour déterminer la valeur de l’avantage, il convient de prendre en compte la plus-value calculée pour chaque bénéficiaire à la date d’exercice effectif de ses BSA, laquelle correspond à la différence entre, d’une part, la valeur de l’action à la date de son acquisition et, d’autre part, le prix d’acquisition du BSA et celui de l’action.

Cet arrêt, regrettable car ajoutant une restriction supplémentaire et freinant ainsi le dynamisme des mécanismes d’alignement d’intérêts dans le capital investissement, s’inscrit dans le prolongement des arrêts de 2021 rendus par le Conseil d’Etat en matière fiscale concernant les plus-values réalisées par les bénéficiaires de BSA.

Cet arrêt rappelle également que d’autres dispositifs d’actionnariat-salarié, mieux encadrés par la loi, devraient être favorisés lors que les critères d’attribution le permettent.

Julien Loth