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Les 25 ans des Principes de Washington

Six cent mille. Quarante-quatre. Vingt-cinq. Ces chiffres ne vous évoquent rien et pourtant, ils sont à l’honneur en cette année 2023.

Entre 1933 et 1945, ce ne sont pas moins de 600.000 œuvres d’art (dont 100.000 en France) qui ont été volées ou confisquées par le régime nazi à leurs propriétaires juifs, notamment. Il y a vingt-cinq ans, le 3 décembre 1998, 44 pays se sont réunis pour adopter les onze articles des Principes de Washington, reflétant une volonté internationale de restituer les œuvres spoliées par le régime nazi. Les Principes de Washington, accord international non contraignant, portent sur le recensement des œuvres d’art confisquées par les nazis et qui n’ont pas été restituées ultérieurement, et sur l’identification de leurs propriétaires d’avant-guerre ou leurs ayants droits. Ils préconisent une collaboration majeure entre les différents protagonistes afin de parvenir à une solution juste et équitable, afin que les œuvres spoliées et confisquées puissent être restituées à leur véritable propriétaire (ou ses héritiers/ayants-droits) dès son identification.

Bien que les Principes de Washington fassent l’objet d’un traitement inégal suivant les pays et les cas de spoliation, ils ont toutefois permis la restitution de certaines œuvres d’art à l’instar de la statuette de la Maria Lactans du XVIème siècle, ayant appartenu au banquier et collectionneur berlinois, Jakob Goldschmidt, persécuté dès 1933 par le régime nazi. Celle-ci a été restituée par une Fondation gouvernementale allemande à ses héritiers le 20 janvier 2023, la vente aux enchères de la statuette en juin 1936 au marchand d’art Johannes Hinrichsen (qui a été acquise par la suite par les musées d’État de Berlin) ayant été considérée comme « une perte de propriété liée à la persécution, conformément aux Principes de Washington ».

A l’occasion du 25ème anniversaire des Principes de Washington, le département des Restitutions de la maison de vente aux enchères Christie’s organise un cycle d’événements tout au long de l’année 2023, Reflecting on Restitution, inaugurée le 27 janvier, avec des expositions et des débats à Paris, dont l’exposition des installations de Raphaël Denis, intitulées Loi normale des erreurs, jusqu’au 10 février 2023 (à 18h), puis à Amsterdam, Vienne, Berlin, Londres, New York et Tel Aviv.

Cet anniversaire peut être l’opportunité de donner un nouvel élan à la politique de recherche et de restitution des œuvres d’art spoliées à l’échelle internationale, de pouvoir sensibiliser un plus grand public au sujet de la restitution des œuvres spoliées, de généraliser dans tous les Etats parties un engagement profond sur la conduite systématique de recherches de provenance, de coordonner, faciliter et accélérer, par le partage d’archives et de documents historiques, les identifications de propriétaires spoliés et de leurs ayants droits, et les restitutions d’œuvres d’art, et ainsi accomplir un véritable devoir de mémoire par nos générations.

Marie Coutelle

 

Principes de la Conférence de Washington applicables aux œuvres d’art confisquées par les nazis

Communiqués à l’occasion de la Conférence de Washington sur les biens confisqués à l’époque de l’Holocauste – Washington DC, 3 décembre 1998.

Recherchant un consensus sur les principes non contraignants qui favorisent la résolution des questions liées aux œuvres d’art confisquées par les nazis, la conférence reconnaît que les nations participantes sont régies par des systèmes juridiques différents et que les pays agissent dans le contexte de leur propre législation.

I.Les œuvres d’art qui ont été confisquées par les nazis et n’ont pas fait l’objet d’une restitution ultérieure devraient être recensées.

II.Les fichiers et archives pertinents devraient être ouverts et accessibles aux chercheurs, conformément aux directives du Conseil international des archives.

III.Du personnel et des moyens devraient être mis à disposition pour faciliter le recensement de toutes les œuvres d’art ayant été confisquées par les nazis et n’ayant pas été restituées ultérieurement.

IV.Lorsque l’on veut établir qu’une œuvre d’art a été confisquée et n’a pas été restituée ultérieurement, il faudrait tenir compte des lacunes ou des ambiguïtés inévitables concernant sa provenance, du fait de l’époque et des circonstances dans lesquelles s’inscrit l’Holocauste.

V.Il ne faudrait ménager aucun effort pour faire connaître les œuvres d’art qui ont été reconnues confisquées par les nazis et qui n’ont pas été ultérieurement restituées afin de retrouver leurs propriétaires d’avant-guerre ou leurs ayants droit.

VI.Il conviendrait de s’employer à constituer un registre centralisant toutes ces informations.

VII.Les propriétaires d’avant-guerre ou leurs ayants droit devraient être encouragés à se faire connaître et à faire valoir leurs droits sur les œuvres d’art qui leur ont été confisquées par les nazis et qui ne leur ont pas été restituées ultérieurement.

VIII.Si l’on peut identifier les personnes qui, avant-guerre, possédaient des œuvres d’art ayant été reconnues confisquées par les nazis et ne leur ayant pas été restituées ultérieurement ou si l’on peut identifier leurs ayants droit, il faudrait prendre des mesures dans les meilleurs délais pour trouver une solution juste et équitable, sachant qu’il peut y avoir plusieurs variantes en fonction des faits et des circonstances propres à un cas donné.

IX.Si l’on peut identifier ni les personnes qui, avant-guerre, possédaient des œuvres d’art ayant été reconnues confisquées par les nazis, ni leurs ayants droit, il conviendrait de prendre des mesures dans les meilleurs délais pour parvenir à une solution juste et équitable.

X.Il y aurait lieu d’équilibrer la composition des commissions ou autres organes créés dans le but de recenser les œuvres d’art ayant été confisquées par les nazis et de faciliter le règlement des questions relatives au droit de propriété.

XI.Les nations sont invitées à mettre en place des processus nationaux pour appliquer ces principes, notamment dans la mesure où il s’agit de nouveaux mécanismes de résolution des différends permettant de régler des problèmes de droit de propriété.