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Renonciation tacite au droit de revendication de la qualité d’associé d’un époux

Par une décision en date du 21 septembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt relatif à la renonciation tacite au droit de revendication de la qualité d’associé d’un époux.

En l’espèce, deux époux avaient contracté mariage en 1970 sans contrat préalable. Le 13 juin 2007, l’époux a notifié à la SARL, dont son épouse était gérante, son intention d’être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l’apport que cette dernière avait effectué, sur le fondement de l’article 1832-2 du Code civil.

Son épouse ayant refusé de lui communiquer les comptes de la SARL, l’époux a assigné son épouse ainsi que la société, aux fins de voir constater qu’il avait la qualité d’associé depuis sa notification datant du mois de juin 2007 et qu’il pouvait donc obtenir la communication de certains documents sociaux.

Le 29 août 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence reconnaît la qualité d’associé du conjoint non-apporteur depuis le 13 juin 2007 et ordonne en conséquence à la SARL la communication des documents sociaux à l’associé demandeur. Les juges de la cour d’appel affirment en effet que sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, si le conjoint avait la possibilité de renoncer à son droit de revendiquer sa qualité d’associé, cette renonciation n’aurait pu être qu’express. Aucune renonciation tacite ne pouvait donc faire obstacle à l’exercice de son droit.

La société en cause se pourvoit alors en cassation, soutenant notamment (i) que le conjoint demandeur n’était animé d’aucune volonté réelle et sérieuse de collaborer activement et de manière intéressée dans l’intérêt commun, avec les autres associés, à la réalisation de l’objet social et (ii) qu’en l’absence de disposition légale contraire, la renonciation à un droit n’est soumise à aucune condition de forme.

La Cour de cassation écarte de prime abord le premier moyen susvisé, estimant que l’affectio societatis n’est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d’associé sur le fondement de l’article 1832-2 du Code civil.

La haute juridiction accueille néanmoins favorablement le second moyen et casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 1134 ancien du Code civil, rappelant le principe selon lequel la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté d’y renoncer.

Il en résulte qu’un conjoint commun en biens peut tacitement renoncer à sa qualité d’associé dès lors que « les circonstances » établissement de façon non équivoque sa volonté d’y renoncer.

Les parties – désormais divorcées si l’on pouvait en douter – sont quant à elles renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

Elie Souffan