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La preuve du caractère intentionnel de la réticence dolosive lors de la cession de droits sociaux

Si le silence gardé par le cédant sur des informations faisant peser un aléa sur la pérennité de la société cédée est nécessairement intentionnel, la jurisprudence considère que la preuve n’est pas rapportée lorsque, au jour de la cession, le cédant a mis à disposition du cessionnaire toute la documentation comptable disponible et qu’il n’est pas démontré que le cédant pouvait avoir connaissance de l’imminence de la cessation de paiements de la société cédée.

En l’espèce, le 15 février 2017, par acte sous seing privé, les cédants avaient cédé à des cessionnaires 100% des titres d’une société. Il était prévu une clause de révision de prix à la hausse en cas d’atteinte d’un résultat après impôts pour l’exercice clos le 31 décembre 2016.

Le rapport d’audit du Commissaire aux comptes pour cet exercice a mis en évidence certaines anomalies et fait état d’un déficit important. Les cessionnaires ont assigné les cédants en annulation de la cession et dommages et intérêts sur le fondement du dol.

Pour refuser d’accueillir favorablement le pouvoir formé par les cessionnaires déboutés, la chambre commerciale de la Cour de cassation a dû interpréter pour l’une des premières fois l’article 1137, alinéa 2 du Code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 ayant consacré la définition du dol. Il s’agit de « la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

La décision est instructive dans la mesure où elle rappelle l’équilibre de la charge de la preuve du caractère intentionnel de la réticence dolosive. En effet, d’abord, il appartient au cessionnaire, demandeur au procès, de démontrer l’intention de tromper mais comme la preuve est difficile, cette intention est présumée, puis il appartient au cédant de combattre cette présomption.

Dans le cas d’espèce, les cédants ont pu prouver que les cessionnaires avaient eu accès à toute la documentation comptable de la société et notamment de la situation comptable au 30 septembre 2016 ; et qu’ils ignoraient la menace sur la pérennité de la société au moment de la cession. En effet, le déficit conséquent de l’exercice clos le 31 décembre 2016, résultant de l’établissement du bilan, compte de résultat et annexes, n’a pu être établi qu’après la cession des titres.

On comprend également que les anomalies relevées par l’expert-comptable entre le montant du bénéfice au 30 septembre 2016 et la situation au 31 décembre 2016 ne caractérisaient pas une erreur ou un mensonge de la part des cédants et encore moins une volonté de tromper.

A la lecture de l’arrêt, on comprend que les cessionnaires auraient pu mettre en jeu la garantie d’actif et de passif mais qu’ils avaient tardé à le faire, perdant le droit à demander indemnisation.

Quentin de La Peschardière