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Revirement sur la clause attributive de juridiction d’un acte de cession de droits sociaux

Par un arrêt de rejet rendu le 29 janvier 2020 (n°19-12.584), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé non écrite la clause attributive de juridiction contenue dans un acte de cession auquel était partie un dirigeant personne physique de la société cédée.

En l’espèce, une personne physique et une EURL (dont la personne physique était l’unique associé) ont cédé la totalité des actions d’une SAS à une autre société. Cette dernière a assigné les cédants en contestation de la cession en se fondant sur une clause attributive de juridiction stipulée dans l’acte de cession. Les cédants ont soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Paris dès lors que ladite clause attributive de juridiction ne pouvait être opposée au vendeur personne physique et non commerçante.

En effet, l’article 48 du code de procédure civile dispose que « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

L’article L. 121-1 du code de commerce définit quant à lui les commerçants comme « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

La question était donc la suivante : un dirigeant personne physique qui cède ses titres répond-t-il à la définition de commerçant ?

La Cour de cassation, procédant à un revirement de jurisprudence, répond par la négative selon le raisonnement suivant :

  • Les contrats commerciaux signés par le dirigeant en cours de vie sociale le sont en sa qualité de mandataire social de la société et non pour son compte personnel. C’est donc la société (société par actions simplifiée) qui a la qualité de commerçant (commercialité par la forme) et non son dirigeant qui ne fait que la représenter. Ainsi, l’argument tiré de la participation d’un dirigeant à l’exploitation d’une société commerciale ne suffit pas à emporter sa qualité de commerçant.
  • Un acte de cession d’actions emportant changement de contrôle de la société dont les titres sont cédés et une garantie d’actif et de passif afférents à ladite cession sont bien des actes de commerce qu’un dirigeant, s’il est cédant, peut réaliser à titre personnel. Toutefois, ils ne suffisent pas, du fait de leur caractère ponctuel, à démontrer que le dirigeant en fait sa profession « habituelle » et qu’il est ainsi commerçant.

Par conséquent, la clause attributive de juridiction n’étant pas conclue exclusivement par des commerçants, elle doit être réputée non écrite.

Cette solution a le mérite de clarifier le régime de cette clause attributive de juridiction rendu incertain depuis l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 6 décembre 2016 (n°15-16.577) qui avait décidé l’inverse et dont la solution avait été reprise par l’acquéreur dans son pourvoi.

Julien Loth